« La bouche est un espace où la sensibilité s’intercale avec la douleur, l’amer avec la douceur, la fragilité avec la dureté, l’énergie avec la stabilité, l’orage avec la paix, la volupté avec le dégout. Les mots qui se fabrique dans ma bouche peuvent me caresser mais dans le même temps me blesser sans aucune pitié.
Elle est omniprésente dans ma vie. Elle fait frémir mes lèvres. Et puis, cette sensation indéfinie, voluptueuse, s’imprègne de manière désinvolte dans tout mon être. J’ai perdu le contrôle, je me sens accablée. Mais je n’ai pas cédé.
La bouche est en fait un endroit très intime ; mais cependant elle ouvre mon âme vers l’extérieur, vers le monde, vers l’univers, et même vers l’inconnu. Elle raconte des choses que même moi je ne connais pas sur moi-même. Et je le sais. Je sens tout. Je la sens manger, rire, flirter, refaire le monde. Parfois je sens la langue embrassant doucement mes dents, mais d’autres fois, lorsqu’il arrive des orages, ma bouche, hasardeuse, (avec mes dents et ma langue) se batte farouchement, se claque, s’agite comme les vagues, s’impose, se révolte… Quelle aventure ! Quelle lutte !
C’est un “je ne sais pas quoi” versatile et instable. Soit ludique. Elle reste renfermée pour longtemps, même des jours entiers, fragile, timide, innocente, sensuelle. Mais d’autres fois elle parle d'une façon très abstinente de mon intérieur, de mes craintes, de mes passions, de ma vulnérabilité en tant que femme… Parfois je ne peux pas intervenir, elle me prend toute mon énergie, elle me dépasse. Et je sais qu’elle me connait mieux. Et je sais que je ne peux pas me plaindre.
Plaine de charme et de vitalité, la bouche est un milieu en soi. Elle fait sa vie. »
